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flonflons & musette
24 janvier 2017

Ma part de Gaulois

(Post rédigé en Novembre 2016)

A l'heure où la Sarthe de Mr Fion fait un tabac, Flashback sur Toulouse Toulouse oh ma ville rose. Avec Magyd. Bon, je vais pas faire un retour sur mes jeunes années et Zebda, Petronille ma fille m'a déjà calculé un score record au test de beaufitude des parents contemporains. Je gagne très haut la main un trophée. J'assume. Le contraire m'eut quelque peu effrayée , voire angoissée. 

Donc, pas de nostalgie. Magyd Cherfi d'aujourd'hui, c'est surtout Magyd Cherfi qui écrit. Ma part de gaulois.

 

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J'avais TELLLEMENT envie et hâte de lire ce livre! Donc j'ai commencé par l'offrir à tout le monde. Sans l'avoir lu of course. Ensuite, j'ai décidé de l'offrir à la communauté: je l'ai donc demandé sur le petit livre de suggestions de ma ch'tite bibliothèque de village. Et dans la ch'tite bibliothèque de ce village, il y a une vraie bibliothécaire. Une dame sympa, rigolote, accueillante, qui fait en sorte que tout le monde trouve un peu de ce qu'il aime. Du vrai éclectisme dans un espace réduit. On va de Guillaume Musso à Gala, en passant par ACDC, Rihanna, Bach ou Jean Teulé, Wolinski et Géo Ado, Tomtom et Nana et Catinou et Jacouti, Molière et le livre des Records, Proust et Fred Vargas, les Sex Pistols et le requiem de Mozart. Plus tout le reste. Un trésor de bibliothèque.

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Là, pour des raisons x et y, je savais que j'allais rester des jours et des jours cloîtrée à la maison, donc, c'était le moment de lire. Surtout Magyd Cherfi. Impossible de le trouver dans ma "moyenne' bibliothèque de ma moyenne ville. Tout comme le dernier Sattouf ( L'arabe du futur 3), le dernier Cherfi était tellement réservé dans ma moyenne bibliothèque qu'il n'était plus ouvert à la réservation......Chapeau bas Magyd.

Donc je suis allée pleurer dans ma petite bibliothèque. Le livre avait été oublié à Toulouse lors du dernier achat. Trois jours et une opération plus tard, email de ma bibliothécaire Mme K: "Le livre que vous aviez réservé est arrivé". Mme K avait remué ciel et terre, passé force coups de fil, et s'était fendue d'un aller retour de 200 bornes, pour me dégoter LE livre. Que je suis allée chercher en rentrant de l'hôpital En me réjouissant d'habiter en milieu rural dans un trou paumé, certes, mais où existe encore un semblant très efficace de communauté.

magyd-cherfi-03

 

 

Bon, c'est un peu angoissant de lire quelqu'un qui a bercé et chanté votre jeunesse ( ça fait un peu Tino Rossi non? ). Ca met la barre un tantinet plus haut. 

 

 

 

Or, dès la première page, je savais que je n'aimerais pas ce style. Ou en tout cas pas complètement. C'est un style "entournant". Il tourne autour des mots , les enveloppe, comme les chanteuses arabes tournent autour des notes. Comme un rabachage entêtant, ensorcelant qui vous endort et vous transporte jusqu'à la transe. Une spirale de mots qui tournoie et revient en leitmotiv, tout au long du livre. Quelque chose de très nouveau, de très musical. Sauf que j'ai pas complètement adhéré.! Simple question de goût. Dommage, parce qu'il est évident qu'il y a du talent dans ces lignes.

 

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N'empêche! N'empêche qu'au delà de la musique, on a l'ambiance et l'histoire. Quartiers nords, Toulouse, 1981. Transposez où vous voulez dans la France des cités, à cette époque et le résultat sera je pense kif kif. Transposez où vous voulez, à notre époque, et vous ne serez pas trop loin du compte non plus. Juste peut-être quelques fanatiques de plus.

Et honnêtement, je suis souvent tombée des nues. Parce qu'avant même que Mitterand débarque, alors que j'étais encore sur les bancs de l'école communale, Magyd Cherfi se faisait déjà traiter de tafiole parce qu'il était bon à l'école. Et qu'il n'étaient déjà pas beaucoup. Et qu'il se faisait ratatiner la tronche à tous les coins de rue de sa cité parce qu'il lisait des livres. Et que l'un de ses rêves était de descendre en bas de l'immeuble, de s'asseoir et de lire son livre. Rêve impossible et inaccessible. Et qu'il ne pouvait pas toucher à toutes les pépites de filles qu'il avait autour, parce que son "abstinence" envers elle et sa réputation impeccable était leur sésame, le seul moyen de s'assurer qu'elles puissent sortir de la maison, ne serait-ce que pour aller à la salle communale juste en bas de l'immeuble. Et qu'il fallait fermer sa grande bouche quand l'une d'entre elles arrivait massacrée par un frère ou un père.

Alors, tout le monde demande à Magyd d'écrire. Pour eux. Parce que tout le monde sait qu'il sait, qu'il peut, qu'il doit. Et lui de se cogner la tête contre les murs:

 

"Mon égoïsme se cognait avec l'impératif absolu de sauver la plèbe.

Il m'arrivait même d'être complètement dérouté. L'idée de tout abandonner me perlait au front. Oui, tout larguer, adieu la grande saga des quartiers, bonjour le béton armé. rejoindre mon père dans l'activité débarrassée des gesticulations cérébrales. Etre détaché tout à fait du sort des autres; et l'instant d'après, j'étais rattrapé par l'échelle qui me montrait une lune que je ne voulais pas décrocher."

 

2748027-magyd-cherfi-le-tres-populaire-groupe-950x0-2Et puis il y a Madame Cherfi. Madame Cherfi, super mama qui a décidé qu'il fallait en sauver un, et que ça serait lui, et qu'elle n'en demordrait pas. Coûte que coûte, vaille que vaille. Tellement acharnée que certains voient en elle une  sorcière. Elle n'en a que faire. Parce qu'un jour elle a décidé que son fils aurait le bac. Et que ça serait comme ça, et pas autrement. C'est drôle, émouvant, et ça force incroyablement le respect.

Et ce qui devait arriver arrive donc: Magyd Cherfi devient le premier de la cité à décrocher le saint Graal, le bacho, l'examen suprême.

 

"J'apparaissais sous un jour nouveau, comme anobli. C'est tout juste si on ne me donnait pas du "vous" , ce "vous" qui a tant manqué à mon père. Pauvre vieux, toute sa vie tutoyé par les Blancs croisés le dimanche au marché du Cristal. Qu'ils soient patrons, ouvriers, commerçants, ils lui donnaient du "tu" sans être de ses amis, et moi qui le tirait par la manche pour qu'il tutoie à son tour! Mais non, il distribuait du "vous" presque pour se rassurer d'être ce qu'ils croyaient qu'il était: une brave bête. 

Sur mon passage, chacun, chacune semblait sonné. Un bac dans la cité dépassait l'imagination, c'était l'homme qui marchait sur la lune, l'inaccessible étoile, l'affaire des Blancs. Je transgressais le subconscient. "

Quand j'ai lu ces lignes, la claque a été magistrale. Je me suis rappelée de mon père, ouvrier génial, mais ouvrier quand même: combien lui ont donné du "tu", lui qui avait aussi un nom de là-bas-pas-ici, mais quand même la même couleur de peau européenne? Et mon parrain? Et mon oncle, premier bachelier de la famille? Mon père et son fatalisme chevillé au corps, qui donnait lieu à des prises de bec mémorables. Alors quand on imagine cette situation multipliée par cent, au coeur des cités d'aujourd'hui ou d'hier, on se demande pourquoi ça n'a pas pété plus fort, plus vite....

" Au lieu de la grande révolution des quartiers, ou du grand chamboulement prolétarien, à défaut d^'être le porte-parole des jeunes issus de l'immigration ou l'héritier métis d'un peuple des "Lumières", je suis devenu "moi".

Je me suis cru tiraillé, schizophrène et bancal, je n e l'étais pas plus que d'autres, sauf qu'habité par deux histoiresqui se faisaient la guerre, deux familles hostiles, deux langues irrémédiablement opposées, me suis plu à être la victime expiatoire.

Comme le monde s'ouvrait à moi, j'ai fait de mon fardeau des ailes, de mes blessures un bouclier, de mes fêlures identitaires deux richesses dans lesquelles s'est engoufrée la seule idée qui vaille, l'universel.

En devenant Magyd, j'ai juste récupéré ma part de Gaulois."

S'il y a UN livre à lire, là, maintenant, tout de suite, c'est celui-là

 

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Commentaires
L
J'ai acheté Magyd pour l'offrir. Je ne l'ai pas lu. Pas encore. Sur ma table de nuit se trouvait "Le gône du Chaaba" d'Azouz Begag. Je l'ai lu. Et A. Begag est venu au lycée parler du vivre ensemble et raconter son expérience.<br /> <br /> Lieu différent, Lyon, 30 ans plus tôt, et déjà la même histoire...<br /> <br /> Nathalie
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