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flonflons & musette
12 août 2016

Toni Morrison, Sula

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Attention, là, on est dans du lourd. Niveau talent j'entends. MADAME Toni Morrison est probablement mon auteur préférée. (avec Emily Brontë, on ne se refait pas). Je suis dans ses livres comme chez moi. J'ai dû être noire ET américaine dans une autre vie ( et aussi anglaise londonienne, bergère en montagne, fée en Irlande et Sumi du grand Nord. Ah, et puis Mongol aussi, bien sûr. J'allais oublier dit)

Donc, après toutes ces pérégrinations littéraires, et avant de reattaquer la lecture de ma bibliothèque, maintenant que je me suis bien promenée, que j'ai bien lu, et donc aussi acheté d'autres livres ...Bref, après tout ça, et avant la suite, il me fallait du sûr. Quelqu'un sur qui je puisse compter. Si tant est que ça soit possible en littérature.

toni-morrison

 

Parce que j'aime é-nor-mé-ment Toni Morrison, mais pas inconditionnellement. 

En premier, il y a eu Beloved. A la fac. Une fois, deux fois, trois fois, je sais plus.  Beloved ou la quintessence de la narration. Dans Beloved, il y a tout: l'Amérique, l'Afro-Amérique, l'Afrique, l'esclavage, les femmes, la maternité, le sexe, l'amour, le secret, le "surnaturel", les racines dans la terre, l'enfance, la parole, le rythme. Ce même rythme lancinant, saccadé, eliptique, frappé, haletant et ancestral que j'ai retrouvé chez tous les auteurs afro-américains ou antillais et jamaïcains, de Zora Neale Hurston à Jamaïca Kincaid. Comme un tempo reconnaissable entre mille. De la prose poétique, de la parole écrite, de la musique pour les yeux, avec des silences qui comptent autant que les mots. Encore aujourd'hui, je n'ai toujours aucune idée exacte de pourquoi ça me parle. Cela dit, Toni Morrison ne parle de toute évidence pas qu'à moi, vu qu'elle a été Prix Nobel de Littérature...

 

 

Après mes 350 lectures de Beloved, je me suis attaquée il y a quelques années ( si peu...) au "dernier Toni Morrison": Paradise. Impossible de passer les 10 premières pages. Au bout de la 20 ème tentative, j'ai fermé le livre et je l'ai mis...quelque part. Dans ma bibliothèque. Au fond.

79440305_oEt puis un jour, il y a eu Home. Et j'ai lu Home. Je ne peux pas dire que j'ai été transcendé comme avec Beloved, mais j'avais retrouvé Toni Morrison, son phrasé, son rythme. 

Alors quand j'ai trouvé Sula (1973) chez mon fournisseur préféré de tout, alias Emmaüs, in English dans le texte please, j'ai pris. Hop. Dans ma bibliothèque. Et là, j'ai pensé que c'était le moment. Et vous savez quoi? C'ETAIT le moment.

J'ai A-DO-RE Sula. J'ai plongé dans le livre et nagé béatement tout le long, en expliquant à tout le monde que je lisais quelque chose de magnifique. J'étais très contente. Même peut-être ravie.

On est donc transporté dans l'Ohio. Medallion. Début du siècle ( l'ancien, le 20ème). Communauté noire, reléguée sur les hauteurs inhospitalières de la ville, nommées...The Bottom. Le dessous, le fond. Parce que c'est au-dessus des Blancs, mais en dessous de Dieu. A la vérité, c'est juste en dessous de tout, et c'est surtout le fond de la misère et du désespoir. Mais Morrison arrive encore à en rire en arguant du fait que pour une fois, les Noirs auront eu l'occasion d'observer les Blancs "depuis en haut".

toni-morrison2Dans Sula, il y a des dates. Elles ouvrent chaque chapitre. Et ça, c'est pas courant dans ce que j'ai lu de Toni Morrison: elle a toujours plutôt tendance à laisser flotter son récit dans une temporalité floue.

Du coup, le roman en devient plus tangible, s'ancre plus dans le réèl que tous les autres. Le résultat, c'est que ce réalisme ne fait qu'accentuer l'extravagance totale des personnages principaux, l'absurde des situations, la superstition qui enveloppe tout le quotidien de cette communauté.

Evidemment, il y a surtout des femmes, dont Sula Peace, sa mère Hannah, sa grand-mère Eva, son amie Nel Wright. Des femmes immenses, différentes, insoumises, tragiques, extravagantes. De vrais personnages magnifiques. Attention, ici, on est pas dans le béni oui oui: ce sont des maîtresses femmes, de vraies passionarias, y'a du feu, y'a du sexe, y'a des morts, y'a du glauque, y'a du pas beau.

( pour info, Chloe Wofford, c'est Toni Morrison)

Mais quand on referme le livre, on se demande comment aussi peu de pages peuvent contenir tant de choses. Le temps d'une vie, celle de Sula et des siens, Toni Morrison arrive à poser notre regard, à "encercler" la cause noire, la cause des femmes, les relations humaines, la vie, le monde. A la fin, la boucle est bouclée, un petit tour et puis s'en va.

Comme d'habitude chez Morrison, le tout baigne dans une atmosphère métaphorique . Pourtant, ce que j'ai beaucoup, mais alors beaucoup aimé dans Sula, c'est son réalisme et son côté loufoque: il y a de l'humour dans ces pages, et ça fait du bien, parce que la condition des Noirs aux USA début XXème, c'était quand même pas totalement jouasse. Il y a ces trois garçons adoptés par Eva, et succcessivement appelés Dewey ( "parce que leurs mères respectives ne les auraient pas reconnus de toute façon") jusqu'à devenir les Deweys- une espèce de trilogie drôlatique de garçons pitres qui ne grandiront jamais. Il y a Eva qui est parti un jour et revenue avec une seule jambe, mais "riche", et qui orne son seul pied de toutes la dentelle  et pantoufles les plus attrayantes jusqu'à transformer en saint Graal un handicap flagrant. Il y a Shadrack, rescapé mais hanté par la Grande Guerre, qui instaure...la Journée Nationale du Suicide.

Il y a l'amitié, en trame de fond, omniprésente, entre Nel Wright et Sula Peace. De l'enfance à la mort. Paix et raison. C'est magistral, superbe, c'est Toni Morrison.

Petit florilège des paroles de Toni Morrison

 

tumblr_mfcsighJ601ru1b3zo1_500"Tout ce qui est mort et

qui revient à la vie fait mal".

 

 

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" Si tu veux voler, il va falloir d'abord

te débarrasser de toute la merde qui te cloue au sol."

 

 

 

toni-morrison3" S'il y a une livre que tu veux lire,

mais qu'il n'a pas encore été écrit,

alors, écris-le toi-même. "

 

 

 

 

 

 

 


 

sula-one-sheet

Now, there, here is some powerful stuff. Here comes Talent. MRS Toni Morrison is probably my favourite author ( along with Emily brontë of course...). I feel at home in her books. In a previous life, I must have been black AND American ( and also a mountain shepherdess, an Irish fairy, a Northern Lapland Sumi. Oh, and a Mongol too, of course. Almost forgot).

So: after all these literary wanderings, and before resuming the reading of my bookshelves, now that I have been on holiday, had plenty of time to read AND to buy some new books..... Well, after all this, and before what follows, I needed something reliable. Someone I could trust. If ever that's possible in literature. 

TMorrison_KeturahAriel

Because, I do love Toni Morrison immensely. But not unconditionally.

First came Beloved. At Uni. Once, twice, three, four times, can't remember. Beloved or the narrative quintessence. In Beloved, you can find it all: America, Afro-America, Africa, slavery, women, motherhood, sex, love, secret, supernatural, roots in the ground, childhood, speech, rythm. Such a peculiar, dragging, jerky, elliptic, gasping , ancestral rythm. Which I recognized in all Afro-American authors ( or Carribean + West-Indies), from Zora Neale Hurston to Jamaïca Kincaid, and Maya Angelou. Like a perfectly unique tempo. Poetic prose, written speech, eye music, with silence counting as much as words. Today still, i've got no idea why I can relate to that. That being said, a lot of people seem to relate to Morrison's writing obviously, since she got the Nobel Peace Prize. 

 

After rereading Beloved 350 times, I tackled to  "the last Toni Morrison" of the time : Paradise. Couldn't get past the 10 first pages. Ever. After trying and retrying, i just gave up, closed the book and plunked it down somewhere. On my bookshelf. Probably. At the bottom.

If-you-wanna-fly-you-got-to-give-up-the-shit-that-weighs-you-downThen, one day, came Home. I read Home. I can't say I was transcended as in  Beloved, but it was Toni Morrison; her rythm, her phrasing.

So when I came upon Sula (1973) at my favourite general supplier, i.e. Emmaüs, English version please,  i just bought it. And hop, straight onto my bookshelf. And this summer, I just thought it was Time. And guess what? It WAS Time.

I a-do-red Sula.I dived into this book and swam blissfully all along , telling everyone I met that i was reading a fantastic book. I was extremely happy. Even maybe delighted.

 

Sula brings you straight down into Ohio.  Medallion. Early 20th. Black community, pushed into the upper inhospitable ground of town, named...the Bottom. Because even if it is at the top of the town, it is at the Bottom of God.....Truly, it is at the bottom of everything, including misery and despair. But Morrison still manages to laugh about it , arguing that at least, Black people will for once have the opportunity to look down on White people.

 

toni-morrison2In Sula, there are dates. Opening each chapter. Not a frequent feature in Toni Morrison's books : they generaly hang into some unspecified or little-specified or hazy temporality. 

As a result, the novel is more anchored into reality than any other I read ( By Morrison, i mean). But this reality only brings out the extravagance of the main characters, the absurdity of the situations, the superstition which is this community's  daily envelop. 

Of course, it is mostly populated by women: Sula Peace, her mother  Hannah, her grandmother Eva, her best friend Nel Wright. Splendid, different, unique, tragic, rebelious, extravagant women. Real grand characters. Careful though. These are not sissies: these are Women, passionarias: there is fire, there is sex, there is Death, there is gloom, this is dirt.

 

(  Chloe Wofford is Toni Morrison)

But when you shut the book down, you wonder how so few pages may contain so many things .In the lapse of a life time ( Sula's lifetime) , Toni Morrison manages to focus our gaze upon, to "encompass" Black people, feminism, human relationships, life, the world. Until finaly, you have come full circle.

 

 

toni-morrison3

As usual in Toni Morrison's , the novel is bathed into metaphor. Yet, what i really loved in Sula, is its realism, its bizarre humour:  it is also a funny book, which is just as well considering that describing Black people's life in the early 20th in the US is not exactly joyous. Like the "Deweys", those three boys adopted by Eva Peace, and successively named Dewey, "for their ma could not have told one from the other anyway"- a kind of ludicrious trilogy of jester boys who will never grow up in the end. Like Eva Peace, who left one day then came back "rich' but one-legged- leg and foot which she clad with all lacy and fluffy slippers until turning her obvious handicap into something like the Holy Graal. Like Shadrack, a haunted WWI survivor, who launches National Suicide Day.

Friendship between Nel Wright et Sula Peace pervades the novel. From birth to death. Peace and right.

It is grand, splendid, magnificent, It is Toni Morrison.

 

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